Planète en danger ?


L'homme n'est pas qu'un loup pour l'homme, il est un danger pour la planète entière. Outre ses activités prédatrices et guerrières, les rejets de ses activités industrielles mettent également en péril l'équilibre écologique de la terre.
C'est dès lors, le climat de la planète qui pourrait subir des modifications avec des conséquences que les scientifiques s'emploient à étudier.

Des chercheurs d'un certain nombre de pays de la Communauté Européenne, dont des chercheurs de l'Université Libre de Bruxelles (ULB), ont procédé à des forages de 3028 m de profondeur, dans le Groenland, à proximité du Pôle Nord, pour ramener à la surface des "carottes" de glace.
On peut estimer, avec une bonne précision, l'âge de ces échantillons, dont les plus profonds remonteraient à environ 100.000 ans.

Nous avons rencontré Jean-Louis Tison (chercheur au FNRS) qui a participé à l'expédition du Groenland (et qui partira bientôt pour une autre expédition, en Antarctique, cette fois), ainsi que Roland Souchez, professeur à l'ULB.
Ils étudient la climatologie du passé, ce qui leur permet d'induire des modèles pour l'avenir de la planète.


Jean-Louis Tison: J'ai été sollicité, parfois, par certaines personnes, pour ramener des échantillons de glace, de façon à les vendre dans un bar, par exemple, où les gens pourraient boire leur whisky avec des glaçons qui dégageraient des bulles d'il y a 80.000 ans.
C'est là que je veux en venir, évidemment: ce que nous étudions, ce sont ces bulles de l'atmosphère du passé. Dès qu'elles sont emprisonnées dans la glace, elles sont piégées, et, si les températures sont suffisament basses, elles sont très peu susceptibles de se modifier.
Nous avons donc un enregistrement des gaz contenus dans l'atmosphère du passé.


Les échantillons de glace permettent non seulement d'analyser les gaz contenus dans l'atmosphère du passé, mais l'eau gelée dont ils sont constitués donne également une précieuse indication sur la température de ces périodes.
En effet, on sait que la répartition des différents isotopes de l'oxygène (atomes d'oxygène de masses atomiques différentes) dans l'eau, donne une indication sur la température au moment de sa transformation en glace.


Roland Souchez: L'information la plus intéressante qui ait été enregistrée dans les glaces, c'est le parallélisme entre la variation de température et la variation de CO2. A savoir que lorsqu'on a des périodes froides, par exemple des périodes glacières, il y a moins de CO2 dans l'atmosphère.
Au contraire, quand on va vers une pulsation chaude du climat, il y a davantage de CO2.
Donc il y a un lien entre température et teneur en CO2 de l'atmosphère, et c'est un enregistrement du passé qui a été très utile, parce qu'il a permis de montrer, qu'indubitablement, le fait d'augmenter la teneur en CO2 de l'atmosphère (ce qui est le cas lors des rejets de pollutions automobiles, industrielles, etc..), ne serait pas sans conséquences sur le climat de l'avenir.


Notre planète bénéficie, depuis environ 10.000 ans, d'une stabilité climatique particulièrement favorable, qui correspond au développement de nos civilisations. Or, avant la dernière glaciation, notre planète a connu une période, l'Eémien, dont la température moyenne était d'environ 2 degrés plus élevée que la température moyenne actuelle.


R.S: On s'aperçoit que dans cette période, les glaces ont enregistré des pulsations climatiques, et notamment des variations de température de plusieurs degrés sur des intervalles de temps qui sont de l'ordre de 100 ans. Donc des pulsations froides dans cet épisode chaud. Et donc, la question s'est immédiatement posée: si nous augmentions, par suite de notre activité industrielle, la température à la surface de la terre, de 1 ou 2 degrés, comme ce qui est prévu pour le milieu du 21e siècle, peut-être que nous allons créer, en dépassant un seuil, une instabilité climatique là où nous avons bénéficié d'une stabilité climatique sur 10.000 ans.


Ces instabilités climatiques, si elles semblent peu importantes, peuvent avoir des répercussions considérables.


R.S: Si par exemple, on modifie d'1 degré la température, la zone de production du maïs change de façon considérable, de l'ordre de 200 km, vers le nord.
Cela veut dire que des états américains qui cultivaient du maïs vont se retrouver dans une situation délicate, et d'autre états qui n'en cultivaient pas se trouveraient bien placés pour en cultiver.
Cela a donc des répercussions non négligeables parce que, économiquement cela peut faire des perturbations. Cela mérite donc d'être étudié.


Autre conséquence de l'augmentation éventuelle de la température, la fonte d'une partie des glaces des calottes polaires ou simplement le glissement vers la mer d'une partie de ces glaces, provoquerait une montée des eaux des océans.
Plusieurs scénarios ont d'ores et déjà étés élaborés qui vont de la minimisation la plus optimiste (laxiste ?), au catastrophisme le plus apocalyptique.


R.S: Le scénario moyen n'est pas, évidemment, la migration des néérlandophones dans la partie francophone du pays. Mais plutôt que des gens qui vivent sur des îles à ras de l'eau au centre du Pacifique, ou, par exemple, les habitants de pays comme le Bangladesh, qui vivent aussi dans des conditions d'innondations presque permanentes, que ces gens-là aient effectivement des problèmes.


Le Professeur Réginald Colin (également à l'ULB), étudie, quant à lui, plus particulièrement l'ozone.
Cette molécule (O3) est, selon le Pr Colin, l'ennemie et l'amie de l'homme.
En effet, son accumulation au niveau du sol, dans l'atmosphère que nous respirons, provoque des problèmes respiratoires.
Par contre, au niveau de la stratosphère, à plus ou moins 18.000 km d'altitude, une couche épaisse d'ozone nous protège d'un excès de rayons ultra-violets du soleil.
Or, on a découvert que cette couche d'ozone était attaquée par certaines substances issues des rejets industriels de l'homme.


Réginald Colin: Il y a un déséquilibre qui a commencé avec l'ère industrielle, quand l'homme a commencé à rejeter dans l'atmosphère toute une série de produits de ses industries. Et parmis ceux-ci, il y en a qui ont beaucoup préoccupé notre laboratoire et qui préoccupent le monde, ce sont les fameux CFC.
Ces CFC sont des substances dérivées du pétrole.
Dans les années 40-50, les chimistes ont commencé à synthétiser ces CFC (chloro-fluoro-carbone), qui sont donc composées de chlore, de fluor et de carbone.
Elles sont admirables, ces molécules. Elles sont ininflamables, non-toxiques et stables. On en a donc trouvé des utilisations nombreuses, dont les plus connues sont les frigos.
Tous les frigos sont pleins de CFC, utilisés pour le cycle de compression-décompression destiné au refroidissement. Une fuite n'est pas grave: le gaz rentre dans la pièce, mais il n'est pas toxique et n'explose pas. Donc, tous les frigos du monde sont remplis de CFC.
Des productions astronomiques de CFC !
La deuxième utilisation, c'est dans les mousses plastiques.Quand on fait une mousse plastique, on mélange deux substances qui forment un polymère et on y ajoute du CFC, un liquide qui s'évapore, qui fait des bulles et la polymérisation se fait, pleines de bulles.
Toutes les bulles de toutes les mousses qui existent aujourd'hui sont pleines de CFC.
Il y en a donc un réservoir énorme.
Nul ne s'est inquiété parce que cela ne causait de dommage à personne.
Seulement, libérés dans l'atmosphère, les CFC montent; ils montent vers la stratosphère et, arrivés là-haut, quelque chose se passe: sous l'influence des rayons ultra-violets du soleil, ces molécules sont cassées et le chlore se dégage.
Et c'est ce chlore qui est la cause de tous les problèmes !
Le prix Nobel de cette année a été décerné à trois personnes qui, en 1974, ont commencé à entrevoir l'importance de ce chlore: ce chlore libéré là-haut dans la couche d'ozone, le détruit.
Un atome de chlore démolit jusqu'à 10.000 ou 100.000 molécules d'ozone.
La couche d'ozone est donc en train de diminuer. Et cela a des conséquences dramatiques: cela veut dire que l'ultra-violet (U.V) pénètre plus dans l'atmosphère.


La diminution de la couche d'ozone se manifeste le plus aux pôles et particulièrement au pôle sud où le "trou" prend des proportions spectaculaires.
Mais cela ne constitue que la partie la plus visible d'un phénomène inquiétant pour l'espèce humaine.


R.C: Il est important que l'homme se pose des questions sur l'effet de l'augmentation des U.V sur sa peau.
La quantité d'U.V augmente si l'ozone diminue: une diminution de 40% de l'ozone (qui survient, au rythme actuel en 80 ans), correspond à 100% d'U.V en plus. Or, nous savons que l'exposition de la peau au U.V cause, non seulement des irritations, mais surtout, des cancers.
Tout le problème de l'ozone montre clairement que la situation est sérieuse, que les amendements* doivent être respectés à la lettre, sinon, nous allons vers un réchauffement.
De combien? 2 degrés, 3 degrés, 4 degrés, on ne sait pas, dans un horizon de 20 ou 30 ans.
Et, quoi que l'on fasse aujourd'hui, ça continue: toutes ces petites bulles dans les mousses doivent encore être libérées. Tous les frigos doivent encore lâcher leurs CFC.
Ca fait des millions de tonnes!

Question: Faut-il être inquiet ?

R.C: Et bien, je le suis.
Je le suis, bien que confiant dans les mesures qui ont été prises, et tous nos modèles montrent avec certitude que nous sommes en bonne voie pour rectifier une erreur de l'humanité au cours des 50-60 dernières années.

(interview d'Alexandre Wajnberg)


*
Il s'agit du protocole de Montréal qui limite la production des CFC, et qui a été suivi des amendements de Copenhagen qui en accélère drastiquement la mise en application.
Malheureusement, tous les pays du monde ne sont pas signataires de ces accords.
En particulier, les pays du Tiers-Monde se trouvent dans une situation économiquement délicate qui ne leur permet pas de recycler d'emblée leurs parcs frigorifiques ainsi que leurs extincteurs (qui contiennent également des substances à base de CFC).


L'ULB (Université Libre de Bruxelles) dispose d'un site web à l'adresse suivante: http://www.ulb.ac.be/ulb/index_fr.html

Voici quelques sites où vous pourrez obtenir des informations complémentaires: